
Vue de Mamoudzou le 21 avril 2025, à Dzaoudzi, à Mayotte ( AFP / Ludovic MARIN )
"Refonder" l'archipel meurtri de Mayotte en proie à une crise aussi durable que multidimensionnelle: c'est l'ambition d'un projet de loi gouvernemental dont le Sénat s'est saisi lundi, avant une adoption probable à la chambre haute malgré des désaccords sur un sensible volet migratoire.
Plus de cinq mois après le passage dévastateur du cyclone Chido, la réponse du gouvernement entre dans une nouvelle phase, celle de la refondation à long terme du 101e département français, le plus pauvre d'entre eux.
Car "si le cyclone a ravagé Mayotte, il a surtout révélé et exacerbé des difficultés qui existaient déjà", a lancé le ministre des Outre-mer Manuel Valls en ouverture des débats.
L'objectif du gouvernement, "reconstruire l'île sur des bases plus saines, plus claires, pour changer son visage et à travers elle, la vie des Mahorais", a promis le ministre d'Etat devant les sénateurs.
La "loi-programme" soumise aux sénateurs orchestre surtout une promesse financière d'Emmanuel Macron: déployer, d'ici 2031, 3,2 milliards d'euros d'investissements publics fléchés vers l'eau, l'éducation, la santé, les infrastructures ou la sécurité.
Un chiffre que le ministre a promis de "hisser à quasiment quatre milliards d'euros" par voie d'amendement durant la discussion parlementaire, qui s'étirera jusqu'à un vote solennel prévu le mardi 27 mai.
- "Echéancier" des investissements -
Construite avec les élus locaux, cette loi sera particulièrement scrutée sur l'archipel, où les demandes des élus se font chaque semaine plus pressantes sur le logement, l'éducation ou encore l'immigration.

Le Sénat, le 23 janvier 2025, à Paris ( AFP / Ludovic MARIN )
"On ressent une vraie démarche d'engagement de l'Etat. Mais l'urgence pour nous, c'est d'avoir un échéancier, un calendrier précis des investissements", pointe auprès de l'AFP la sénatrice de Mayotte Salama Ramia (groupe macroniste RDPI).
Plus critique, l'autre sénateur de Mayotte Saïd Omar Oili, qui siège au groupe socialiste, a fait part des "craintes démesurées" des Mahorais, appelant à des "fonds publics à la hauteur des enjeux" sans quoi le plan "Mayotte debout !" du gouvernement pourrait rapidement devenir un "plan Mayotte débrouille-toi !".
Le gouvernement a partiellement répondu à cette demande en déposant un amendement qui détaille plus précisément les moyens alloués, leur fléchage et la période de leur décaissement.
Les sénateurs proposent d'aller plus loin en instaurant un "comité de suivi", pour que les promesses ne restent pas lettre morte.
Mais ce projet de loi, l'une des très rares initiatives parlementaires émanant du gouvernement dans cette année politique mouvementée, dépasse largement le cadre de la programmation: de nombreuses mesures entendent réformer le contexte économique, social, institutionnel et sécuritaire de l'île.
- Visas territorialisés -
Le volet le plus sensible a trait à l'immigration, avec des conditions d'accès au séjour durcies, des peines pour reconnaissance frauduleuse de paternité augmentées et la possibilité de retirer des titres de séjour aux parents d'enfants considérés comme menaçant l'ordre public.
Rien en revanche sur la suppression - demandée localement - des visas territorialisés qui empêchent les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone. Mesure qui permettrait selon ses défenseurs de "désengorger" hôpitaux et écoles face à l'afflux massif d'immigrés clandestins venus notamment des Comores voisines.

Les travaux de sécurisation d'un centre sportif endommagé par le cyclone Chido, à Mamoudzou, à Mayotte, le 8 avril 2025 ( AFP / Marine GACHET )
Mais le gouvernement comme la majorité sénatoriale plaident pour son maintien, craignant de renforcer l'hypothèse d'un "appel d'air" migratoire.
"Ce n'est pas seulement le destin de Mayotte" qui se joue là, a justifié le LR Stéphane Le Rudulier, mais "l'autorité de la République". "Une République qui ne protège pas ses enfants, qui ne maîtrise pas ses frontières (...) cette République-là abdique", a-t-il ajouté.
A l'opposé, la gauche a émis de vives réserves: "80% de ce texte visent à rendre encore plus répressive et plus dérogatoire une politique migratoire déjà ultra répressive et ultra dérogatoire", s'est agacée l'écologiste Mélanie Vogel, son groupe dénonçant un texte qui "criminalise au lieu de reconstruire".
Autre irritant probable, un article pour faciliter les expropriations en vue d'accélérer la reconstruction.
Le projet contient aussi des dispositifs économiques et sociaux avec la création d'une zone franche globale avec des abattements fiscaux à 100%, et la perspective, d'ici 2031, d'une "convergence sociale" entre l'Hexagone et l'archipel où les minima sociaux, comme le RSA, sont aujourd'hui 50% inférieurs.
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